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Abdelkader Damani, directeur artistique du projet
Jean Marc Huygen et Hania Prokop, enseignants à l’ENSA de Grenoble
Quatre résidents invités : Patrick Bouchain, architecte / François Guery, philosophe /Alain Navarro, ingénieur /Jean Stern, Artiste
9 devenirs architectes sollicités : Henri Ramet / Julie Guimard / Pierre Derycke / Estelle Bruaux / Romain Blachon / Déborah Pelletier / Ieke Frankenmolen / Romain Fournier / Thibaut Defrance
Le défi du développement durable réside dans notre capacité à concevoir chaque action au travers du prisme de la complexité afin de mobiliser au même moment : l’environnement, le social, l’économie et la gouvernance. C’est au regard de cette exigence du développement durable que notre projet se structure autour des idées de « Rencontre » et d’ « Echange » de procédés.
Le projet « Recyclage et Urbanité » a pour ambition de mettre au jour une résidence à l’échelle urbaine sous la direction de l’Ecole Supérieure d’Architecture de Grenoble où nous sollicitons quatre acteurs : un architecte, un artiste, un ingénieur et un philosophe à penser et à créer les nouvelles matérialités et les nouvelles visibilités du développement durable.
Le développement durable interfère nécessairement avec le souci du temps : si des nuisances apparaissent de plus en plus, nuisances qui tiennent à des pratiques anciennes (réchauffement climatique, pluies acides, pollution des nappes phréatiques), c¹est que la menace a été sous estimée, ignorée ou même camouflée. Outre les négligences, il y a eu mensonge.
On a répandu des poisons dans les quatre éléments là où la perception en était absente ou éloignée : lieux déserts, fond des mers, sous sol. Les déchets de toute nature (chimiques, organiques...) souvent toxiques, sont enfouis ou dispersés, plutôt que brûlés ou surtout, recyclés. Les sols en sont durablement empoisonnés.
Aussi, « Recyclage et Urbanité » est une action pour rendre « visible » et sensible la masse des déchets sur lesquels nous « vivons », comme s’ils constituaient un fleuve invisible sous les villes ou à leurs confins, par le biais de leur intégration au paysage urbain, sous la forme d’une installation « éphémère ».
La place de cette action dans l’espace urbain réside dans sa capacité à heurter la sensibilité sous une forme esthétique et émotive, compatible en apparence avec le régime du spectacle généralisé. Le déchet peut faire rire jaune. Ainsi figé et cristallisé dans une « œuvre d’art urbaine », il amènerait une crise du regard, tout en contenant l¹expansion des pollutions. Si une société du spectacle vit de détacher les effets de leurs causes (cf Benjamin et le fétichisme de la marchandise), cette crise consisterait à lancer les effets sur leurs causes (sur les producteurs-consommateurs, unis dans une même cécité).
Cette action « artistique et urbaine » aurait la portée d¹une « menace » pour les sens : on devrait pressentir l¹invasion intrusive de la masse des déchets partout semés et déposés. Mais cette menace devrait rester figée, muette, inoffensive en elle-même. C¹est parce qu¹elle ne joue que sur la sensation, et non sur le système même de la production, que cette action est artistique : elle apprendrait à regarder en face un avenir hypothéqué, fait des résultats non voulus des pratiques habituelles du passé et du présent.
Il faut retourner en doigt de gant la logique de la rassurance, qui est rendue possible par une vaste occultation des menaces. Forcer le regard est donc le premier mouvement vers la responsabilité sociétale et industrielle, que le développement durable cherche à obtenir par consensus et apprentissage pacifique.
Abdelkader Damani & François Guery